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Car l’inspiration descend toujours des cieux,
Et mon ange gardien, quand vint cette pensée,
De son bouclier d’or ne l’a pas repoussée.
C’est l’heure de l’extase où Dieu se laisse voir,
L’Angelus éploré tinte aux cloches du soir ;
Comme aux bras de l’amant, une vierge pâmée,
L’encensoir d’or exhale une haleine embaumée ;
La voix du jour s’éteint, les reflets des vitraux,
Comme des feux follets, passent sur les tombeaux,
Et l’on entend courir, sous les ogives frêles,
Un bruit confus de voix et de battements d’ailes ;
La foi descend des cieux avec l’obscurité ;
L’orgue vibre ; l’écho répond : Eternité !
Et la blanche statue, en sa couche de pierre,
Rapproche ses deux mains et se met en prière.
Comme un captif, brisant les portes du cachot,
L’âme du corps s’échappe et s’élance si haut,
Qu’elle heurte, en son vol, au détour d’un nuage,
L’étoile échevelée et l’archange en voyage ;
Tandis que la raison, avec son pied boiteux,
La regarde d’en-bas se perdre dans les cieux.
C’est à cette heure-là que les divins poëtes,
Sentent grandir leur front et deviennent prophètes.

O mystère d’amour ! ô mystère profond !
Abîme inexplicable où l’esprit se confond ;
Qui de nous osera, philosophe ou poëte,
Dans cette sombre nuit plonger avant la tête ?
Quelle langue assez haute et quel cœur assez pur,
Pour chanter dignement tout ce poëme obscur ?
Qui donc écartera l’aile blanche et dorée,
Dont un ange abritait cette amour ignorée ?
Qui nous dira le nom de cette autre Éloa ?
Et quelle âme, ô Jésus, à t’aimer se voua ?

Murs de Jérusalem, vénérables décombres,