Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée


Le printemps parfumé, beau comme un jeune amant,
Avec ses bras de lis environnant la terre,
Aux avances des fleurs répondait doucement.

Afin de célébrer le solennel mystère,
La nature avait mis son plus riche manteau.
Les éléments joyeux faisaient trêve à leur guerre.

O miracle de l’art ! ô puissance du beau !
Je sentais dans mon cœur se redresser mon âme
Comme au troisième jour le Christ dans son tombeau.

L’ombre se dissipait. La belle et noble dame,
Tendant ses blanches mains du fond des cieux ouverts,
M’engageait à monter par l’escalier de flamme.

Les bouvreuils réjouis sifflaient leurs plus beaux airs,
Tout riait, tout chantait, tout palpitait des ailes,
Et les échos charmés disaient des fins de vers.

Beau cygne italien, roi des amours fidèles,
Poëte aux rimes d’or, dont le chant triste et doux
Semble un roucoulement de blanches tourterelles.

Figure à l’air pensif, et toujours à genoux ;
Les mains jointes devant ton idole muette,
Te voilà donc vivante et revenue à nous !

Je te reconnais bien ; oui, c’est bien toi, poëte,
Le camail écarlate encadre ton front pur
Et marque austèrement l’ovale de ta tête.

Tes yeux semblent chercher dans le fluide azur,
Les yeux clairs et luisants de ta maîtresse blonde,
Pour en faire un soleil qui rende l’autre obscur.