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XX
Dans le creux de sa main elle prend cette eau brune
Et s’en frotte trois fois la gorge. — Non, aucune
Langue humaine ne peut conter exactement
Ce qui se fit alors ! — Cette mamelle flasque,
Qui s’en allait au vent comme s’en va la basque
D’un vieil habit râpé, miraculeusement
Se gonfle et s’arrondit ; — le nuage de hâle
Se dissipe : on dirait une boule d’opale
Coupée en deux, à voir sa forme et sa blancheur.
Le sang en fils d’azur y court, la vie y brille
De manière à pouvoir, même avec une fille
De quinze ans, lutter de fraîcheur.


XXI
Elle se frotte l’œil et puis toute la face ;
— La rose y reparaît, le moindre pli s’efface,
Comme les plis de l’eau quand le vent est tombé ;
L’émail luit dans sa bouche, une vive étincelle,
Un diamant de feu nage dans sa prunelle ;
Ses cheveux sont de jais, son corps n’est plus courbé.
— Elle est belle à présent, mais belle à faire envie.
Plus d’un beau cavalier exposerait sa vie
Seulement pour toucher sa main du bout du doigt,
Et l’on ne songe pas, en voyant cette tête
Si charmante, ce corps, cette taille parfaite,
À quels moyens elle les doit.