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Tu danses sur les blés comme une sauterelle,
À chacun de tes pieds est attachée une aile,
                Ton galop, c’est un vol,
Et, quand à bonds pressés tu dévores la plaine,
L’oiseau reste en arrière, et l’ombre peut à peine
                Te suivre sur le sol.

La bride sur le col, va, marche, à toi l’espace !
Va, lutte de vitesse avec le vent qui passe
                Comme avec un rival ;
Va sans crainte ; — le monde est grand, la terre est large,
Le vent est déjà loin, trop de vapeur le charge,
                Hurrah ! mon bon cheval !

Hurrah ! des rocs aigus aux tranchantes arêtes,
Fais jaillir en sautant des gerbes de paillettes
                Avec ton dur sabot ;
Brise cet horizon qui n’a pas une lieue
Et voudrait t’enfermer dans sa muraille bleue
                Comme on fait d’un pied bot.

Chemins rompus, halliers, buissons, ronces, broussailles
Hérissant leurs stylets, entortillant leurs mailles,
                Grands fossés à franchir,
Ravins marécageux où le feu follet flambe,
Fondrières, rochers, rien n’entrave ta jambe
                Qui ne sait pas fléchir.

Oh ! comme les maisons, comme les arbres filent !
Oh ! comme étrangement sur le ciel ils profilent
                Leur contour incertain !
Essor prodigieux, le sol que ton pied foule
Se retire sous toi comme un ruban qu’on roule,
                Et tout se fait lointain.