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moins que tu ne fasses périr d’un seul coup plusieurs milliers d’hommes.

Vous connaissez ce mot ingénu du cardinal de Richelieu, écrit dans son testament politique, que les rois doivent s’abstenir avec grand soin de se servir des gens de probité, parce qu’ils ne peuvent en tirer parti. Plus de deux mille ans auparavant, il y avait sur les bords du Pont-Euxin un petit roi qui professait la même doctrine d’une manière encore plus énergique. Ses favoris avaient fait mourir quelques-uns de ses amis par de fausses accusations ; il s’en aperçut : un jour que l’un d’eux portait devant lui une nouvelle délation. Je te ferais mourir, lui dit-il, si des scélérats tels que toi n’étaient pas nécessaires aux despotes. On assure que ce prince était un des meilleurs qui aient jamais existé.

Mais c’est en Angleterre que le machiavélisme a poussé cette doctrine royale au plus haut degré de perfection.

Je ne doute pas qu’il y ait beaucoup de marchands à Londres qui se piquent de quelque bonne foi dans les affaires de leur négoce, mais il y a à parier que ces honnêtes gens trouvent tout naturel que les membres du parlement britannique vendent publiquement au roi Georges leur conscience et les droits du peuple, comme ils vendent eux-même les productions de leurs manufactures.

Pitt déroule aux yeux de ce parlement la liste de ses bassesses et de ses forfaits. Tant pour la trahison, tant pour les assassinats des représentants du peuple et des patriotes, tant pour la calomnie, tant pour la famine, tant pour la corruption, tant pour la fabrication de la fausse monnaie. Le sénat écoute avec un sang-froid admirable et approuve le tout avec soumission.

En vain la voix d’un seul homme s’élève avec l’indignation de la vertu contre tant d’infamies : le ministre avoue ingénument qu’il ne comprend rien à des maximes si nouvelles pour lui, et le sénat rejette la motion.