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nant le change à l’esprit public dans des circonstances critiques. Je tâcherai de remplir cet objet en répondant principalement à l’opinion de M. Brissot.

Si des traits ingénieux, si la peinture brillante et prophétique des succès d’une guerre terminée par les embrassements fraternels de tous les peuples de l’Europe, sont des raisons suffisantes pour décider une question aussi sérieuse, je conviendrai que M. Brissot l’a parfaitement résolue ; mais son discours m’a paru présenter un vice qui n’est rien dans un discours académique, et qui est de quelque importance dans la plus grande de toutes les discussions politiques ; c’est qu’il a sans cesse évité le point fondamental de la question, pour élever à côté tout son système sur une base absolument ruineuse.

Certes, j’aime, tout autant que M. Brissot, une guerre entreprise pour étendre le règne de la liberté, et je pourrais me livrer aussi au plaisir d’en raconter d’avance toutes les merveilles. Si j’étais maître des destinées de la France, si je pouvais, à mon gré, diriger ses forces et ses ressources, j’aurais envoyé, dès longtemps, une armée en Brabant, j’aurais secouru les Liégeois et brisé les fers des Bataves : ces expéditions sont fort de mon goût. Je n’aurais point, il est vrai, déclaré la guerre à des sujets rebelles, je leur aurais ôté jusqu’à la volonté de se rassembler ; je n’aurais pas permis à des ennemis plus formidables et plus près de nous de les protéger et de susciter au-dedans des dangers plus sérieux.

Mais, dans les circonstances où je trouve mon pays, je jette un regard inquiet autour de moi, et je me demande si la guerre que l’on fera sera celle que l’enthousiasme nous promet ; je me demande qui la propose, comment, dans quelles circonstances, et pourquoi ?

C’est là, c’est dans notre situation tout extraordinaire que réside toute la question. Vous en avez sans cesse détourné vos regards ; mais j’ai prouvé ce qui était clair