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entre ces deux coutumes que vous devez opter, car votre intention n’est pas de conserver deux lois et deux principes contradictoires. L’une de ces lois est fondée sur le vœu de la nature, qui semble exiger l’égalité entre les enfants ; mais ce n’est pas là le principe fondamental de cette loi : il en existe un autre d’une importance majeure dans l’état politique, et qui s’applique même aux successions collatérales. Ce principe, c’est que la trop grande inégalité des fortunes est la source de l’inégalité politique, de la destruction de la liberté. D’après ce principe, les lois doivent toujours tendre à diminuer cette inégalité, dont un certain nombre d’hommes font l’instrument de leur orgueil, de leurs passions et souvent de leurs crimes. Les grandes richesses corrompent et ceux qui les possèdent et ceux qui les envient. Avec les grandes richesses, la vertu est en horreur ; le talent même, dans les pays corrompus par le luxe, est regardé moins comme un moyen d’être utile à la patrie, que comme un moyen d’acquérir de la fortune. Dans cet état de choses, la liberté est une vaine chimère, les lois ne sont plus qu’un instrument d’oppression. Vous n’avez donc rien fait pour le bonheur public, si toutes vos lois, si toutes vos institutions ne tendent pas à détruire cette trop grande inégalité des fortunes. Vous avez fait déjà une loi pour les successions ; laisserez-vous au caprice d’un individu à déranger cet ordre établi par la sagesse de la loi ? Voyez ce qui se passe dans les pays de droit écrit. La loi de l’égalité des successions y règne ; mais une autre loi permet à l’homme d’éluder par un testament la disposition de la loi, et la loi est nulle et sans effet. Et quel est le motif de cette faculté ? L’homme peut-il disposer de cette terre qu’il a cultivée lorsqu’il est lui-même réduit en poussière ? Non, la propriété de l’homme, après sa mort, doit retourner au domaine public de la société ; ce n’est que pour l’intérêt public qu’elle transmet ces biens à la postérité du premier propriétaire ; or, l’intérêt public est celui de l’égalité. Il faut