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consacrer ses forfaits ! Que dis-je ! avant la révolution même, nous jouissions, jusqu’à un certain point, de la liberté de disserter et d’écrire sur les lois. Sûr de son empire, et plein de confiance dans ses forces, le despotisme n’osait point contester ce droit à la philosophie aussi ouvertement que ces modernes Machiavels, qui tremblent toujours de voir leur charlatanisme anti-civique dévoilé par la liberté entière des opinions. Du moins, faudra-t-il qu’ils conviennent que, si leurs principes avaient été suivis, les lois ne seraient encore, pour nous, que des chaînes destinées à attacher les nations au joug de quelques tyrans, et qu’au moment où je parle nous n’aurions pas même le droit d’agiter cette question.

Mais, pour obtenir cette loi tant désirée contre la liberté, on présente l’idée que je viens de repousser sous les termes les plus propres à réveiller les préjugés, et à inquiéter le zèle pusillanime et peu éclairé : car, comme une pareille loi est nécessairement arbitraire dans l’exécution, comme la liberté des opinions est anéantie dès qu’elle n’existe point entière, il suffit aux ennemis de la liberté d’en obtenir une, quelle qu’elle soit. On vous parlera donc d’écrits qui excitent les peuples à la révolte, qui conseillent la désobéissance aux lois ; on vous demandera une loi pénale pour ces écrits-là. Ne prenons point le change, et attachons-nous toujours à la chose, sans nous laisser séduire par les mots. Croyez-vous d’abord qu’un écrit plein de raison et d’énergie, qui démontrerait qu’une loi est funeste à la liberté et au salut public, ne produirait pas une impression plus profonde que celui qui, dénué de force et de raison, ne contiendrait que des déclamations contre cette loi, ou le conseil de ne point la respecter ? Non, sans doute. S’il est permis de décerner des peines contre ces derniers écrits, une raison plus impérieuse encore les provoquerait donc contre les autres, et le résultat de ce système serait, en dernière analyse, l’anéantissement de la liberté de la