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épargna-t-elle l’éloquent et vertueux philosophe de Genève ? Il est mort : une grande révolution laissait, pour quelques moments du moins, respirer la vérité ; vous lui avez décerné une statue, vous avez honoré et secouru sa veuve au nom de la patrie ; je ne conclurai pas même de ces hommages que, vivant et placé sur le théâtre où son génie devait l’appeler, il n’essuyât pas au moins le reproche si banal d’homme morose et exagéré.

S’il est vrai que le courage des écrivains dévoués à la cause de la justice et de l’humanité soit la terreur de l’intrigue et de l’ambition des hommes en autorité, il faut bien que les lois contre la presse deviennent entre les mains de ces derniers une arme terrible contre la liberté. Mais tandis qu’ils poursuivront ses défenseurs comme des perturbateurs de l’ordre public et comme des ennemis de l’autorité légitime, vous les verrez caresser, encourager, soudoyer ces écrivains dangereux, ces vils professeurs de mensonge et de servitude, dont la funeste doctrine, empoisonnant dans sa source la félicité des siècles, perpétue sur la terre les lâches préjugés des peuples et la puissance monstrueuse des tyrans, les seuls dignes du titre de rebelles, puisqu’ils osent lever l’étendard contre la souveraineté des nations et contre la puissance sacrée de la nature. Vous les verrez encore favoriser de tout leur pouvoir toutes ces productions licencieuses qui altèrent les principes de la morale, corrompent les mœurs, énervent le courage et détournent les peuples du soin de la chose publique, par l’appât des amusements frivoles, ou par les charmes empoisonnés de la volupté. C’est ainsi que toute entrave mise à la liberté de la presse est entre leurs mains un moyen de diriger l’opinion publique au gré de leur intérêt personnel, et de fonder leur empire sur l’ignorance et sur la dépravation générale. La presse libre est la gardienne de la liberté ; la presse gênée en est le fléau. Ce sont les précautions mêmes que vous prenez contre ses abus qui les produisent presque