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Peut-être malgré moi je l’y verrais éteint.
Mais ce cœur, à l’amour que je n’ai pu ſoustraire,
Dans le rival du moins aime toujours un père.
Par un nom ſi ſacré tout autre ſuspendu…

I D O M É N É E.

Dans le nom de rival tout nom eſt confondu.
Vous n’êtes plus mon fils ; ou, peu digne de l’être,
Je vois que tout mon ſang n’en a formé qu’un traître.

I D A M A N T E.

Où fuirai-je ? Grands dieux ! De quels noms ennemis
Accablez-vous, ſeigneur, votre malheureux fils !
Ah ! Quels noms odieux me faites-vous entendre !
Quelle horreur pour un fils reſpectueux & tendre !
Songez-vous que ce fils eſt encor devant vous,
Ce fils longtemps l’objet de ſentiments plus doux ?
Brûlant d’un feu cruel que je ne puis éteindre,
Vous me devez, ſeigneur, moins haïr que me plaindre ;
Et ſi ma flamme enfin eſt un crime ſi noir,
Vous êtes bien vengé par mon ſeul déſespoir.
Ceſſez de m’envier une importune flamme :
Odieux à l’objet qui ſait charmer mon âme,
Abhorré d’un rival que j’aimerai toujours,
Seigneur, voilà le fruit de mes triſtes amours.
Mais puiſque de ce feu qui tous deux nous anime
Sur mon cœur trop épris eſt tombé tout le crime,