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Puiſqu’enfin votre cœur s’en eſt laiſſé ſurprendre,
Jugez ſi d’Érixène on pouvait ſe défendre.
Hélas ! Je ne craignais, adorant ſes appas,
Que d’aimer un objet qui ne vous plairait pas ;
Et mon cœur, trop épris d’une odieuſe chaîne,
Oubliait ſon devoir dans les yeux d’Érixène.
Mais ſi l’aimer, ſeigneur, eſt un ſi grand forfait,
L’amour m’en punit bien par les maux qu’il me fait.

I D O M É N É E.

Voilà l’unique fruit qu’il en fallait attendre.
D’un amour criminel qu’oſiez-vous donc prétendre ?
Et quel était l’eſpoir de vos coupables feux,
Quand chaque jour le crime augmentait avec eux ?
Qu’Érixène à mes yeux fût odieuſe ou chère,
Vos feux également offenſaient votre père.
Je veux bien cependant, juge moins rigoureux,
Vous en accorder, prince, un pardon généreux,
Mais pourvu que votre âme, à mes déſirs ſoumise,
Renonce à tout l’amour dont je la vois épriſe.

I D A M A N T E.

Ah ! Quand même mon cœur oſerait le vouloir,
Aimer, ou n’aimer pas, eſt-il en mon pouvoir ?
Je combattrais en vain une ardeur téméraire :
L’amour m’en a rendu le crime néceſſaire.
Malgré moi de ce feu je vis mon cœur atteint ;