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Palamède à mes yeux s’offrirait aujourd’hui,
Malgré le ſort affreux dont j’ai tremblé pour lui ?
Eſt-ce ainſi que des dieux la ſuprême ſagesse
Doit braver des mortels la crédule faibleſſe ?
935Mais puiſqu’enfin ici j’ai pu vous retrouver,
Je vois bien que le ciel ne veut que m’éprouver ;
Qu’avec vous ſa bonté va déſormais me rendre
Un ami qu’avec vous je n’oſais plus attendre.
Mais vous verſez des pleurs ! Ah ! N’eſt-ce que pour lui
940Que les dieux ſons détour s’expliquent aujourd’hui ?

P A L A M È D E.

N’accuſez point des dieux la ſagesse ſuprême ;
Croyez, mon fils, croyez qu’elle eſt toujours la même !
Gardons-nous de vouloir, faibles & curieux,
Pénétrer des ſecrets qu’ils voilent à nos yeux.
945Ils ont du moins parlé ſans détour ſur Oreſte ;
Un triſte ſouvenir eſt tout ce qui m’en reſte.
J’ai vu ſes yeux couverts des horreurs du trépas ;
Je l’ai tenu longtemps mourant entre mes bras.
Sa perte de la mienne allait être ſuivie,
950Si l’intérêt d’un fils n’eût conſervé ma vie ;
Si j’euſſe, dans l’horreur d’un tranſport furieux,
Soupçonné, comme vous, la ſagesse des dieux.
Conduit par elle ſeule au ſein de la Phocide,
Cette même ſagesse auprès de vous me guide ;