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ACTE III


S C È N E   I
T Y D É E ſeul.

Électre veut me voir ! Ah ! Mon âme éperdue
Ne ſoutiendra jamais ni ſes pleurs ni ſa vue.
735Trop infidèle ami du fils d’Agamemnon,
Oſerai-je en ces lieux lui déclarer mon nom ;
Lui dire que je ſuis le fils de Palamède ;
Qu’aux devoirs les plus ſaints un lâche amour ſuccède ;
Qu’Oreſte me fut cher ; que de tant d’amitié
740L’amour me laiſſe à peine un reſte de pitié ;
Que, loin de ſecourir une triſte victime,
J’abandonne ſa sœur au tyran qui l’opprime ;
Que cette même main, qui dut trancher ſes jours,
Par un coupable effort en prolonge le cours ;
745Et que, prête a former des nœuds illegitimes,
Peut-être cette main va combler tous mes crimes ;
Qu’elle n’a déſormais qu’à répandre en ces lieux
Le reſte infortuné d’un ſang ſi précieux ?…
Mais ſerait-ce trahir les mânes de ſon frère,
750Que de vouloir d’Électre adoucir la miſère ?