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P R É F A C E.

dit-on, ſe ſont bien paſſés de l’amour : c’eſt un agrément de moins dans leurs ouvrages ; ces deux grands hommes ont travaillé ſelon le goût de leur ſiècle, nous nous conformons au goût du nôtre. Voudroit-on nous perſuader que Corneille & Racine doivent être moins grands pour nous que Sophocle & Euripide ne le furent pour les Grecs ? qui d’entre eux doit nous donner le ton ? Que l’on blâme les analyſes perpétuelles que nous faiſons des ſentiments amoureux, ces délicateſſes, ces recherches puériles qui affadiſſent le cœur au lieu de l’émouvoir, & qui enlaidiſſent l’amour loin de l’embellir, je paſſe condamnation. Un homme d’eſprit a dit :

Ce n’eſt point l’amour qui nous perd,
C’eſt la manière de le faire.

parmi nous c’eſt la manière de l’employer ; ce n’eſt pas la faute de l’amour ſi nous le mettons toujours à ſa toilette : mais que nous le repréſentions impétueux, violent, injuſte, malheureux, capable de nous porter aux plus grands crimes ou aux actions les plus vertueuſes, l’amour alors deviendra la plus grande reſſource du Théâtre ; j’oſerai même ſoûtenir