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Au fils de l’inhumain qui me priva d’un père,
Qui le pourſuit ſur moi, ſur mon malheureux frère.
215Et de ma main encore il oſe diſposer !
Cet hymen, ſans horreur, ſe peut-il propoſer ?
Vous m’aimâtes ; pourquoi ne vous ſuis-je plus chère ?
Ah ! Je ne vous hais point ; et, malgré ma miſère,
Malgré les pleurs amers dont j’arroſe ces lieux,
220Ce n’eſt que du tyran que je me plains aux dieux.
Pour me faire oublier qu’on m’a ravi mon père,
Faites-moi ſouvenir que vous êtes ma mère.

C L Y T E M N E S T R E.

Que veux-tu déſormais que je faſſe pour toi,
Lorſque ton hymeu ſeul peut déſarmer le Roi ?
225Souſcris, ſans murmurer, au ſort qu’on te prépare,
Et ceſſe de gémir de la mort d’un barbare
Qui, s’il eût pu trouver un ſecond Ilion,
T’aurait ſacrifiée à ſon ambition.
Le cruel qu’il était, bourreau de ſa famille,
230Oſa bien, à mes yeux, faire égorger ma fille.

É L E C T R E.

Tout cruel qu’il était, il était votre époux :
S’il fallait l’en punir, Madame, étoit-ce à vous ?
Si le ciel, dont ſur lui la rigueur fut extrême,
Réduiſit ce héros à verſer ſon ſang même,