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À peine je vous vis, que mon âme éperdue
110Se livra ſans réſerve au poiſon qui me tue.
Depuis dix ans entiers que je brûle pour vous,
Qu’ai-je fait qui n’ait dû fléchir votre courroux ?
De votre illuſtre ſang conſervant ce qui reſte,
J’ai de mille complots ſauvé les jours d’Oreſte :
115Moins attentif au ſoin de veiller ſur ſes jours,
Déjà plus d’une main en eût tranché le cours.
Plus accablé que vous du ſort qui vous opprime,
Mon amour malheureux fait encor tout mon crime.
Enfin, pour vous forcer à vous donner à moi,
120Vous ſavez ſi jamais j’exigeai rien du Roi.
Il prétend qu’avec vous un nœud ſacré m’uniſſe ;
Ne m’en imputez point la cruelle injuſtice :
Au prix de tout mon ſang je voudrais être à vous,
Si c’était votre aveu qui me fît votre époux.
125Ah ! Par pitié pour vous, princeſſe infortunee,
Payez l’amour d’Itys par un tendre hyménée :
Puiſqu’il faut l’achever ou deſcendre au tombeau,
Laiſſez-en à mes feux allumer le flambeau.
Régnez donc avec moi ; c’eſt trop vous en défendre :
130C’eſt un ſceptre qu’un jour Égiſthe veut vous rendre.

É L E C T R E.

Ce ſceptre eſt-il à moi, pour me le deſtiner ?
Ce ſceptre eſt-il à lui, pour te l’oſer donner ?