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Qu’il m’eſt doux de pouvoir embraſſer aujourd’hui
De mes jours malheureux l’unique & sûr appui !

P L I S T H È N E.

Quel appui, juſte ciel ! Quel cœur impitoyable
Ne ſerait point touché du ſort qui vous accable ?
Ah ! Plût aux dieux pouvoir, aux dépens de mes jours,
D’une ſi chère vie éterniſer le cours !
Que je verrais couler tout mon ſang avec joie,
S’il terminait les maux où vous êtes en proie !
Ce n’eſt point la pitié qui m’attendrit, ſeigneur :
Je ſens des mouvements inconnus à mon cœur.

T H Y E S T E.

Seigneur, ſoit amitié, ſoit raiſon, qui m’inſpire,
Tout m’eſt cher d’un héros que l’univers admire.
Que ne puis-je exprimer ce que je ſens pour vous !
Non, l’amitié n’a point de ſentiments ſi doux.

P L I S T H È N E.

Ah ! Si je vous ſuis cher, que mon reſpect extrême
M’acquitte bien, ſeigneur, de ce bonheur ſuprême !
On n’aima jamais plus ; le ciel m’en eſt témoin ;
À peine la nature irait-elle auſſi loin :
Et ma tendre amitié, par vos maux conſacrée,
A ſemblé redoubler par les rigueurs d’Atrée.
Vous m’aimez ; le ciel ſait ſi je puis vous haïr,
Ce qu’il m’en coûterait s’il fallait obéir.