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Dans l’état où m’a mis la colère céleſte,
Hélas ! Et qui pourrait reconnaître Thyeſte ?
Voyez donc le tyran : quel que ſoit ſon courroux,
C’eſt aſſez que mon cœur n’en craigne rien pour vous,
Ma fille ; vous ſavez que ſa main meurtrière
Ne pourſuit point ſur vous le crime d’une mère ;
C’eſt moi ſeul, c’eſt Aerope enlevée à ſes vœux ;
Et vous ne ſortez point de ce ſang malheureux.
Allez : votre frayeur, qui dans ces lieux m’arrête,
Eſt le plus grand péril qui menace ma tête.
Demandez un vaiſſeau ; quel qu’en ſoit le danger,
Mon cœur au déſespoir n’a rien à ménager.

T H É O D A M I E.

Ah ! Périſſe plutôt l’aſile qui nous reſte
Que de tenter, ſeigneur, un ſecours ſi funeſte !

T H Y E S T E.

En duſſé-je périr, ſongez que je le veux.
Sauvez-moi, par pitié, de ces bords dangereux,
Du ſoleil à regret j’y revois la lumière ;
Malgré moi, le ſommeil y ferme ma paupière.
De mes ennuis ſecrets rien n’arrête le cours :
Tout à de triſtes nuits joint de plus triſtes jours.
Une voix, dont en vain je cherche à me défendre,
Juſqu’au fond de mon cœur ſemble ſe faire entendre :
J’en ſuis épouvanté. Les ſonges de la nuit