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I D O M É N É E.

Dût le ciel irrité nous rouvrir les enfers,
Dût la foudre à mes yeux embraſer l’univers,
Dût tout ce qui reſpire, étouffé dans la flamme,
Servir de monument aux tranſports de mon âme,
Duſſé-je enfin, de tout deſtructeur furieux,
Voir ma rage égaler l’injuſtice des dieux,
Je n’immolerai point une tête innocente.

I D A M A N T E.

Ah ! C’eſt donc trop longtemps épargner Idamante.
Après ce que je ſais, après ce que je vois,
Qui fut jamais, ſeigneur, plus criminel que moi ?
Chaque moment qui ſuit votre vœu redoutable
Rejette mille horreurs ſur ma tête coupable :
Complice du refus que l’on en fait aux dieux,
Tout mon ſang déſormais me devient odieux.
Diſputez-vous au ciel le droit de le reprendre ?
M’enviez-vous, ſeigneur, l’honneur de vous le rendre ?
Ah ! D’un vœu qui vous rend aux vœux de votre fils,
Trop heureux que ce ſang puiſſe faire le prix !
Sans ce vœu, triſte objet de ma douleur profonde,
Je ne vous revoyais que le jouet de l’onde.
Le ciel, plus doux, enfin vous rend à mes ſouhaits :
Puis-je aſſez lui payer le plus grand des bienfaits ?
Venez-en aux autels conſacrer les prémices :