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Je ne le verrai point tomber ſur votre tête :
Je vais quitter des lieux ſi terribles pour moi.
Mais je n’y crains pour vous ni les dieux, ni le roi :
Non, je ne puis penſer qu’avec tant d’innocence
On ne puiſſe du ciel ſuspendre la vengeance.

I D A M A N T E.

Ah ! Plutôt, s’il ſe peut, demeurez en ces lieux,
Où je vais apaiſer la colère des dieux.
Madame, s’il eſt vrai qu’Érixène ſensible
Ait laiſſé déſarmer ſon courroux inflexible,
Au nom d’un tendre amour, conſervez pour le roi
Cette même pitié que vous marquez pour moi.
Le coup cruel qui va trancher ma deſtinée
Tombera moins ſur moi que ſur Idoménée :
Il n’a que trop ſouffert d’un devoir rigoureux ;
N’accablez plus, madame, un roi ſi malheureux…
Laiſſez-vous attendrir à ma juſte prière ;
J’oſe enfin implorer vos bontés pour mon père.

É R I X È N E.

Ciel ! Qu’eſt-ce que j’entends ? Et que me dites-vous ?
Je ſens, à ce nom ſeul, rallumer mon courroux.
Lui ? Votre père ? ô ciel ! Après ſon vœu funeſte,
Gardez de propoſer des nœuds que je déteſte.
Que juſque-là mon cœur portât l’égarement !
Qui ? Lui !… le meurtrier d’un père, d’un amant !