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Va, termine aux autels une innocente vie,
Sans accuſer les Dieux de te l’avoir ravie ;
Et ſonge, en te flattant de leurs choix rigoureux,
Que le ſang le plus pur eſt le plus digne d’eux.
Pourrais-tu regretter, objet de tant de haine,
Quelques jours échappés aux rigueurs d’Érixène ?
À qui peut éprouver un ſort comme le mien
La mort eſt-elle un mal, la vie eſt-elle un bien ?
Hélas ! Si je me plains, ſi mon cœur en murmure,
Mes plaintes ne ſont point l’effet de la nature :
Je crains bien moins le coup qui m’ôtera le jour,
Que le coup qui me doit priver de mon amour.
Allons, c’eſt trop tarder… d’où vient que je friſſonne ?
Eſt-ce qu’en ce moment ma vertu m’abandonne ?
Hélas ! Il en eſt temps, courons où je le doi ;
Je n’attends que la mort, & l’on n’attend que moi.
Aſſez ſur ſes projets mon âme combattue
A cédé…


SCÈNE III.
Érixène, Idamante, Iſmène.
I D A M A N T E.

A cédé… Quel objet vient s’offrir à ma vue !
Ah ! Fuyons… mon devoir parlerait vainement,
Si je pouvais encore…