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COMMENTAIRE ET NOTES 79

Mais que signifierait : « En l'an de ma trentième année? » Il est clair que Villon a voulu reproduire en tête de son Testament, en le modifiant comme il fallait, le premier vers du Roman de la Rose

Ou vingtiesme an de mon aage.

S'il avait fait aai;e de trois syllabes, il aurait écrit tout simplement : Ou trenliesvie an de mon aage ; il a changé la formule précisément parce que aage était devenu pour lui disyllabique ; mais il a dû le changer aussi peu que possible et écrire : En l'an trentiesme de mon aage. Il est singulier, assurément, que les quatre mss. s'accordent à déplacer le mot trentiesme ; toutefois je n'hésiterais pas à adopter la leçon que je viens de donner, o Remania, t. XXX (1901), p. 361.

De cet exposé il ressort que le mot aage qui était trisyllabe au xiiie siècle était disyllabe au xve. On trouve d'ailleurs encore, dans le premier tiers du xv^ siècle eage trisyllabe :

Et passèrent le cours de leur eage.

(Alain Chartier, fr. 24440, fol. i vo.)Mais dans levers de Villon, tel qu'il est donné par les mss., il est également disyllabe si l'on fait l'hia- tus de Ve final de trentiesme. M. Piaget a prouvé surabondamment que l'élision de Ve final des polysyllabes devant un mot commençant par une voyelle, et qui était « considérée comme règle absolue par toute l'étendue de la poésie française », souflFrait de très nombreuses excep- tions chez les poètes (Remania, t. XXVII (1898), p. 582 et suiv.). La vérité, c'est qu'on élidait ou qu'on n'élidait pas Ve final selon les besoins du vers. L'objection principale de Paris semble ainsi écartée. Ne pour- rait-on pas d'ailleurs conclure que les deux façons de dire : En l'an trentiesme de mon aage, et En Van de mon. trentiesme aage étaient admises, tout en convenant que la première était la plus usitée. Voici d'ailleurs un exemple particulièrement topique, du commencement du xve siècle, et emprunté à Laurent de Premierfait (f 141 8) : « Socrates le philo- sophe, lequel, comme l'en dit, escripvi en l'an de son aage iiii^x xiiii {sic, Socrate mourut à 70 ans) ung livre que l'en appelle Panathelicus. » Fr. 9186, fol. 3i5<=. — Ce dernier exemple justifie la leçon unanime des mss. de Villon ; elle a été suivie ici. — A noter, dans une pièce contem- poraine du Testament, le premier vers qui est la reproduction exacte de celui de Guillaume de Lorris :

Au vingtiesme an de mon aaige. Espoir me donna le couraige. {Le Débat du Fiel et du Jeune, fr. 1661, fol. 106 v»). L'auteur, en faisant

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