Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923 t2.djvu/274

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’obstiné ; et je serais porté à croire que c’est cette femme à qui il songe encore et toujours, et que c’est par dépit qu’il l’appelle sa « rose » ; et aussi sous l’influence de ses souvenirs livresques du Roman de la Rose et du Dit de h Rose (cf. Bartsch, Langue et îittérat. fr., p. 603, et antérieurement ]uh’ma\, Jongleurs et trouvères, p. 110-118), ou simplement d’une similitude de nom, l’hôtel de la Rose, qui était celui de la famille de Vaucelles, et proche de Saint-Benoît-le-Bientourné (cf. la note au vers 661 du Testament). La thèse de Joret se trouve pleinement confirmé, semble-t-il, par le passage suivant d’un poème anonyme inséré dans Le Jardin de Plaisance, et relatif à Jean de Meun :

Quant fist le Rommant de la rose
Ou l’art d’amours est toute enclose
Ce fut pour l’honneur de sa mye...
Il a nourrie sa maistresse
En louenge et en haultesse.
Et l’a plus plaisamment tenue
Que femme qui soit soubz la nue ;
Et m’est ad vis qu’on la parclose.
Il la nomma sa chiere rose...

(Édit. fac-similé, fol. 223’:-’i) (La pièce daterait des premiers jours d’avril 1459, ^^ l’auteur parle sérieusement : elle serait donc antérieure à la composition du Testament .) Mais pourquoi Villon dédie-t-il à sa maîtresse une ballade dont chaque vers se termine par -r, n’est-ce pas là une allusion à ce mot : rose ? Il n’en est rien, la lettre -r, comme les autres lettres de l’alphabet, ayant alors en soi un sens spécial, et cela, depuis le xiii^ siècle où l’on voit des trouvères, comme ce Huon le Roi, en faire le sujet de leurs « moralisations ». Dans La Senejiance de Va h c qui date de cette époque, la lettre -r est prise dans une acception nettement péjorative :

.R est une lettre qui graingne,
Tos jors sa félonie engraingne ;
Sans R ne puet on nommer
Riche mauves, ne renommer
Les mauvestiez de son vil los...

(Jubinal, Nouveau recueil..., p. 285.) — (M. Arthur Langfors, qui a fait une étude particulière de Huon le Roi de Cambrai, a donné une édition critique de Li Abeccs par ehivoche et li significations des lettres (Helsingfors, 1911, in-80) ; le présent passage (p. 15). On voit même