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COMMENTAIRE ET NOTES I47

XLI. — Peinture réaliste des effets de la mort. Le corps féminin lui-même n'en est pas exempt. Pour qu'il le fût, il lui faudrait « tout vif aler es cieulx ! '■>•>

V. 321. — La mort le fait bksviir, palHr.

Tous les mss et incunables donnent ainsi ce vers :

Lu mort le fait frémir, paîlir.

Je crois, toutefois, qu'il faut substituer « blesmir » à « frémir » pour deux raisons : la première est qu'un corps mort ne frémit plus ; l'expres- sion est impropre. La seconde raison est que le vers du Testament et les suivants se ressentent vraisemblablement d'un vers du Roman de la Rose dont Villon était tout pénétré. Honte craint que Bel Aciieil,

S'il as gloutons la Rose baille, Sachiés qu'ele en porra tost estre Bksinie ou pale, ou mole ou flestre.

(T. III, p. 67, V. 15623-), édit. Méon.)

Le rapprochement paraît d'autant plus légitime que c'est un lieu commun, en littérature, de comparer la femme à la rose. Villon tout le premier, en s'adressant à sa fausse et cupide maîtresse, à sa « chiere rose », lui prédit qu'

Ung temps vendra qui fera dessechier Jaunir, flestrir vostre espanye fleur...

(Test. 958-959).

La substitution de blesmir à frémir me semble devoir s'imposer. Pour plus de sûreté, j'ai soumis séparément le vers tel qu'il est donné par les mss., et la correction proposée à deux éminents profes- seurs d'anatomie qui ont ratifié ma conclusion et rendu justice à l'exac- titude de la description faite par Villon des eff"ets de la mort sur le cadavre. Au xve siècle, l'idée de la Mort domine partout. L'état de guerre à peu près continuel dans lequel on vivait (cf. le Journal d'un bourgeois de Paris ; la Chronique scandaleuse ; le Journal de Jean Mau- point; H. Denide, La désolation des églises, monastères, hôpitaux en France vers le milieu duXV^ s., et le substantiel chapitre de M. Emile Mâle, La Mort, dans L'Art religieux à la fin du moyen dge en France, p. "^1^-^22, etc.), le spectacle journalier des blessés et des mourants, les fréquentes exécutions capitales faites en public de malfaiteurs dont les corps restaient suspendus pendant des semaines aux gibets et

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