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LETTRES AU SYSTÈME.

près prés le bien ou le mal qu’il nous fait. Qu’un roi tyran accable la France d’impôts, les percepteurs et les porteurs de contraintes le béniront. Qu’un roi sage réforme tout cet attirail de formalités que la justice traîne après elle, il sera maudit par les avoués. À aucune autre époque, on n’a plus parlé de patriotisme : c’est un tison de bois vert qui pétille avec grand bruit et ne jette aucune flamme. Quel patriotisme peut-on attendre, en effet, d’hommes que les institutions ne rattachent point à la patrie, et pour lesquels cette patrie n’est que la terre où ils demeurent ? Comparez les peuples d’à-présent aux peuples de l’antiquité : combien ils sont petits auprès de ces géants ! Où est cette Rome qui de ses bras étendus mesurait le monde ? Cette Numance qui, une année entière, avec le secours de ses seuls habitants, résista à toute la puissance du peuple monstre et aima mieux se brûler vive que de se soumettre ! Où est ce glorieux vaisseau qui descendait sous les flots avec le dernier lambeau de son pavillon criblé, aux cris de Vive la République ! Vous voyez à la surface de l’Europe de grandes nations, et vous dites : voilà des nations puissantes. Mais ce sont de vastes corps dont les membres ne tiennent pas entre eux et qui se brisent sous le choc d’un conquérant, quand il se rencontre un conquérant pour les heurter. Pour soumettre ces grandes nations, que faut-il ? il suffit de faire un trou au milieu de leur armée, puis on ne rencontre plus que des magistrats qui vous apportent des clefs de ville dans des plats d’argent, que des bourgeois qui viennent s’excuser de s’être laissés défendre par leurs soldats, et demandent pardon pour eux et pour leurs défenseurs.

On citera cette Espagne si courbée sous le joug et cependant si héroïque dans sa résistance à Napoléon. Cette Espagne que l’aigle voulait enlever du milieu des nations et qu’il laissa choir de sa serre blessée. Mais l’Espagne est une nation à part. Les Espagnols étaient entraînés sur les champs de bataille par le fanatisme religieux plutôt que par l’amour de la patrie. C’était moins l’usurpateur qu’ils abhorraient que l’ennemi de la religion, que l’impie excommunié