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INTRODUCTION LXXVII

pratique, Arnauld la présente comme une méthode logique ; sous ce nom il l’oppose à la méthode suivie par Pascal et Domat, qu’il appelle géométrique et qui consiste à isoler une proposition de toutes les circonstances qui lui donnent sa valeur véritable, valeur psychologique et sociale, afin de la juger à la seule lumière des principes, comme si elle existait en soi et pour soi. Or, à supposer que cette dernière méthode s’applique exactement aux objets abstraits de la géométrie, elle ne saurait, suivant Arnauld, convenir à l’établissement des vérités de fait, qui ont pris naissance dans l’humanité, qui sont inséparables des intentions et des passions par lesquelles seules leur caractère peut être déterminé.

La perte du « grand écrit » où Pascal répondait à la réplique d’Arnauld nous prive sans doute d’une comparaison entre la méthode logique d’Arnauld et cette méthode géométrique que Pascal avait employée avec succès dans ses polémiques avec le P. Noël et dans les Provinciales, avant d’en formuler la théorie dans l’ Esprit géométrique.

Nous savons seulement quelle amertume laissa ce débat dans l’âme de Pascal. Déjà, lorsqu’il écrivait les Provinciales, il avait souffert des critiques exprimées par des amis de Port-Royal, peut-être par les religieuses elles-mêmes, où transparaissait la crainte à l’égard d’un défenseur compromettant. Des notes du manuscrit des Pensées, des lettres intimes, laissent percer la colère de Pascal contre ces serviteurs timides de la vérité. La même colère se renouvelle dans la crise de l’hiver 1661-1662. Plus les positions respectives étaient en réalité voisines, plus aussi était douloureuse la déception de voir le désaccord subsister, s’approfondir à mesure que chaque parti redoublait d’effort loyal pour donner à son