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INTRODUCTION XLIII

ment qui est assurément un héritage de la philosophie ancienne, mais qui après cinq siècles de succès dans les écoles chrétiennes a désormais acquis force de tradition. Au XVIIe siècle, un catholique peut-il discréditer la méthode des distinguo, sur laquelle se fonde la discipline de la théologie morale, ou la conciliation de la grâce et du libre arbitre, sans ruiner l’architecture du système religieux telle que l’ont dressée les saints les plus autorisés du moyen âge, sans faire cause commune avec les hérétiques et les libertins ?

L’accusation est de celles qui reviennent le plus souvent dans les Impostures et dans les Réponses aux Provinciales. Pascal croit pouvoir la dédaigner. Ce qui relève d’Aristote et ce qui relève du Christ ont pu être assez étroitement, même à certains égards assez légitimement unis dans la civilisation occidentale du moyen âge ; il importe à la religion que les deux traditions ne soient pas confondues. Aux yeux de Pascal, la vérité du christianisme est toute dans son origine divine 1 ; elle est antérieure à la scolastique, indépendante des habitudes de langage et de pensée qui ont fini par faire corps avec l’enseignement de la religion. Les déclarations de Nicole le montrent avec toute la netteté désirable : Pascal a conscience que l’originalité des Provinciales 2 , c’est précisément de se débarrasser de la terminologie de l’Ecole, propice aux équivoques et aux sophismes, pour restaurer la doctrine du Christ dans sa clarté et dans sa pureté. S’il s’avoue profane en matière de théologie, et si l’on peut dire, en cela, qu’il est un laïc, c’est que la théologie de l’Ecole, en particulier la théologie morale, a été coulée dans le moule des sciences

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1. Cf. le Cinquième écrit des Curés de Paris, infra T. VII, p. 362.

2. Vide infra T. VII, p. 68.