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ENTRETIEN AVEC SACI 29

par un passage d’Aristote ; ce qui etonna de telle sorte le premier, qu’il repondit presque tout etourdi : Valet hic scriptura sacra ; à quoy l’autre sans se demonter dit brusquement, Valet et Aristoteles : Attamen, repliqua le premier, et scriptura sacra et Aristoteles. Et apres un si visible brigandage, il survient recemment un autre homme qui le pille et le tue ; tant mieux, plus de morts, moins d’ennemis. Il en arrivera peut-estre autant de M. Descartes.

« Dieu a fait le monde pour deux choses, m’ajouta-t-il : l’une pour donner une grande idée de luy, l’autre pour peindre les choses invisibles dans les visibles. M. Descartes détruit l’un et l’autre. Le soleil est un bel ouvrage, luy dit-on : point du tout, repond-il, c’est un amas de rognures ; au lieu de reconnoistre les choses invisibles dans les visibles, comme dans le soleil, qui est le Dieu de la nature, et de voir en tout ce qu’il produit dans les plantes l’image de la grace, il pretend au contraire rendre raison de tout par de certains crochets qu’ils se sont imaginez. Je les compare à des ignorans qui voiroient un admirable tableau, et qui au lieu d’admirer un tel ouvrage, s’arresteroient à chaque couleur en particulier, et diroient : « Qu’est-ce rouge là? De quoy est-il composé? C’est de telle chose : ou: c’est d’une autre; » au lieu de contempler tout le dessein du tableau dont la beauté charme les sages qui le considerent. « Je ne pretens pas, dit M. Descartes, dire les choses comme elles sont en effet. Le monde est un si grand objet, qu’on s’y perd ; mais je le regarde comme un chiffre, les uns tournent et retournent les lettres de cet alphabet, et treuvent quelque chose, moy j’ay aussi trouvé quelque chose, mais ce n’est pas peut-estre ce que Dieu a fait.» Non, disoit M. de Sacy, mais c’est selon le langage des peres, lnfinita, etc. Ces