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Les mérites et les bonnes œuvres doivent être la fin dernière de toutes les actions humaines, et la conscience du bien qu’on a fait est pour l’homme le parfait repos; car si l’homme participe aux travaux de la divinité, il doit aussi participer à son repos. Il est dit que Dieu, considérant les œuvres de ses mains, vit que tout ce qu’il avait fait était bon, et qu’ensuite il se reposa.

Dans l’exercice de votre charge ayez toujours devant les yeux les meilleurs exemples, car une judicieuse imitation tient lieu d’un grand nombre de préceptes. Après avoir exercé votre emploi pendant un certain temps, considérez votre propre exemple, afin de voir si vous n’auriez pas mieux commencé que vous ne continuez. Ne négligez pas non plus les exemples de ceux d’entre vos prédécesseurs qui ont mal exercé le même emploi, non pour vous faire valoir en relevant leurs fautes, mais pour mieux apprendre à les éviter. Lorsque vous avez quelque réforme à faire, faites-la sans faste et sans ostentation; améliorez le présent sans faire la satire du passé. Ne vous contentez pas de suivre les meilleurs exemples, mais tâchez d’en donner à votre tour d’aussi bons à imiter. Tâchez de ramener toutes choses à l’esprit de leur première institution, après avoir cherché et découvert en quoi et comment elles ont dégénéré; ce que vous ferez en consultant deux espèces de temps, savoir : l’antiquité, pour connaître ce qu’il y a de meilleur; et les temps moins éloignés, pour savoir ce qui convient le mieux au vôtre.

Ayez une marche et des règles fixes, afin qu’on puisse savoir d’avance ce qu’on doit attendre de vous, mais sans vous attacher avec trop d’obstination à ces règles, qu’il est quelquefois nécessaire de plier un peu; et lorsque vous vous en écartez, montrez nettement les raisons qui vous y obligent.

Défendez courageusement les droits attachés à votre charge, mais en évitant soigneusement tout conflit de juridiction; exercez vos droits en silence, et ipso facto, au lieu de recourir à d’importunes réclamations et d’étourdir le public de vos bruyantes prétentions. Défendez également et respectez vous-même les droits attachés aux charges de vos subalternes, et croyez qu’il est plus honorable de diriger le tout que de vouloir se perdre dans cette multitude immense de petits détails qui les regardent.

Accueillez gracieusement, tâchez même d’attirer tous ceux qui peuvent vous donner d’utiles avis ou vous soulager dans l’exercice de votre charge; gardez-vous d’éloigner ceux qui vous offrent des lumières ou des secours de cette espèce, en leur faisant essuyer des rebuts et en leur faisant entendre qu’ils se mêlent de trop de choses.