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oupez en morceaux le beau et tous les objets dont vous disputez et vous les heurtez pour en vérifier le son. C’est pour cela que vous ne voyez pas que les corps réels sont naturellement très grands et tout d’une pièce. Aujourd’hui encore tu es si aveugle que tu crois qu’il y a des qualités accidentelles ou essentielles qui appartiennent à une couple d’objets, sans appartenir à chacun d’eux, ou inversement à chacun d’eux, sans appartenir à la couple, tant vous manquez de raison, de réflexion, de bon sens et d’intelligence.

SOCRATE

Voilà notre portrait, Hippias. On n’est pas ce qu’on veut, dit un proverbe constamment cité, on est ce qu’on peut. Heureusement nous avons pour nous aider tes perpétuelles remontrances. Maintenant veux-tu que je te découvre mieux encore jusqu’où allait notre simplicité, avant d’avoir reçu de toi ces remontrances, en t’exposant nos idées sur le sujet qui nous occupe, ou dois-je me taire ?

HIPPIAS

Je sais ce que tu vas dire, Socrate ; car je connais l’esprit de tous ceux qui se mêlent de disputer. Cependant, si cela te fait plaisir, parle.

SOCRATE

Mais oui, cela me fait plaisir. Nous autres, excellent Hippias, avant ce que tu viens de dire, nous étions assez stupides pour croire, en parlant de toi et de moi, que chacun de nous deux est un et que ce que nous sommes séparément, nous ne le sommes pas conjointement ; car, ensemble, nous ne sommes pas un, mais deux. Telle était notre sottise. Mais aujourd’hui, tu nous as remontré que, si ensemble nous sommes deux, il faut que chacun de nous soit deux, et que, si chacun de nous est un, il est également nécessaire que, réunis, nous soyons un ; car il est impossible, en vertu de la doctrine tout d’une pièce qu’Hippias professe sur l’être, qu’il en soit autrement ; il faut que ce que les deux sont, chacun le soit aussi, et que ce que chacun est, les deux le soient également.