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Ce n’est point un plaisir vulgaire qui s’arrête aux yeux et à l’odorat, c’est une jouissance exquise ; c’est je ne sçais quel charme inexprimable qui maîtrise à la fois leurs sens, leur âme et leur imagination. Ils passent l’hiver à la regretter, et le printems à en jouir ; l’hiver est pour eux l’absence de la rose : pour eux la rose est elle seule le printems. Au retour de cette aimable saison, leur premier soin est d’aller lui rendre hommage sous l’ombrage naissant d’un bosquet solitaire. Zéphir même lui adresse des vœux moins sincères et lui prodigue des caresses moins vives.

L’ascendant de cette heureuse sympathie qui unit ces aimables mortels à la reine des fleurs, de ce magnétisme puissant qui les enchaîne par une attraction mutuele, est sans contre-dit, un des plus grands mystères de la nature. y a-t-il dans cette fleur une divinité cachée ? est-ce une nimphe métamorphosée qui conserve encore sous cette forme nouvelle le double charme de la pudeur et de la beauté, et dont l’âme cherche à s’unir à leurs âmes sensibles et pures ? Est-ce simplement une délicatesse d’organisation qui fait qu’ils sentent plus vivement la sagesse et la bonté du créateur qui brillent dans un de ses plus beaux ouvrages ? C’est ce que nous n’osons décider. Quoi qu’il en soit, Monsieur, vous pouvez déjà entrevoir dans ce que je viens de dire, l’origine et la nature de l’institution connue sous le nom de Société des Rosatis. Déjà ce mot présente à votre esprit des idées bien plus étendues que celles qu’il rappelle au vulgaire ignorant et étranger à nos mystères. Éclairé par une lumière nouvelle, vous appercevez distinctement que quiconque dira que la société des Rosatis a pour base un amusement frivole ou une agréable fantaisie, donnera par cela seul une preuve certaine : qu’il est encore assis dans de profondes ténèbres. S’il est vrai de dire dans un sens : que l’amour de la rose constitue le véritable Rosati, ce sens équivoque ne peut qu’égarer les profanes ; car pour en saisir toute l’étendue, il faut connaître encore ce que c’est que l’amour de la rose. Or, Monsieur, si vous réfléchissez sur le