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de bien et homme de génie, n’est-il pas doublement immortel ?

Mais un trait glorieux à ses compatriotes n’échappera pas à mon attention. Je n’oublierai pas la vivacité des regrets que sa perte excita pour honorer sa mémoire. On vit l’Académie en corps et les Magistrats municipaux, accompagner solemnellement sa pompe funèbre, et la douleur publique rendre au mérite d’un particulier des hommages que l’on n’accorde parmi nous qu’à la puissance et à la grandeur. Qui pourra voir d’un œil indifférent ce noble enthousiasme d’un peuple sensible, qui semble expier par une telle conduite toutes ces honteuses persécutions que l’envie a tant de fois susçitées au génie ?

Que dis-je, Messieurs, le sujet que je traite n’est-il pas lui-même un monument de ce sentiment généreux qui vous anime ? Puis-je avoir été assez heureux pour le seconder ? Mais le ton que j’ai adopté dans cet éloge, semble exiger de moi quelques réflexions.

J’ai loué Gresset d’une manière très décidée, non pour remplir le rôle d’un panégyriste, mais pour suivre ma propre conviction. Je méprise une plume complaisante qui peut prostituer à la médiocrité l’hommage qui n’est dû qu’au mérite éclatant ; et je hais presqu’autant la méthode de ces Écrivains qui prennent avec leurs héros la morgue d’un Juge, et la fierté d’un Censeur, relèvent minucieusement les plus foibles taches, parlent froidement des plus grandes beautés, et changent l’éloge d’un grand homme en une sèche et sévère critique.

J’ai fait un mérite à Gresset des choses mêmes qui lui ont attiré les sarcasmes d’un grand nombre de gens de lettres ; j’ai osé insister sur sa vertu, sur son respect pour les mœurs ; sur son amour pour la Religion ; je me suis donc exposé au ridicule aux yeux d’une foule de beaux esprits ; mais en même tems, je me suis assuré deux suffrages faits pour me dédommager de cet inconvénient ; celui de ma conscience et le vôtre.