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dire, au type fin et délicat de l’école de Prudhon, et possédait aussi cette poésie que Girodet donnait à ses figures fantastiques. La fraîcheur des tempes, la régularité des sourcils, la pureté des lignes, la virginité fortement empreinte dans tous les traits de cette physionomie faisaient de la jeune fille une création accomplie. La taille était souple et mince, les formes étaient frêles. Ses vêtements, quoique simples et propres, n’annonçaient ni fortune ni misère. En reprenant possession de lui-même, le peintre exprima son admiration par un regard de surprise, et balbutia de confus remercîments. Il trouva son front pressé par un mouchoir, et reconnut, malgré l’odeur particulière aux ateliers, la senteur forte de l’éther, sans doute employé pour le tirer de son évanouissement. Puis, il finit par voir une vieille femme, qui ressemblait aux marquises de l’ancien régime, et qui tenait la lampe en donnant des conseils à la jeune inconnue.

— Monsieur, répondit la jeune fille à l’une des demandes faites par le peintre pendant le moment où il était encore en proie à tout le vague que la chute avait produit dans ses idées, ma mère et moi, nous avons entendu le bruit de votre corps sur le plancher, nous avons cru distinguer un gémissement. Le silence qui a succédé à la chute nous a effrayées, et nous nous sommes empressées de monter. En trouvant la clef sur la porte, nous nous sommes heureusement permis d’entrer, et nous vous avons aperçu étendu par terre, sans mouvement. Ma mère a été chercher tout ce qu’il fallait pour faire une compresse et vous ranimer. Vous êtes blessé au front, là, sentez-vous !

— Oui, maintenant, dit-il.

— Oh ! cela ne sera rien, reprit la vieille mère. Votre tête a, par bonheur, porté sur ce mannequin.

— Je me sens infiniment mieux, répondit le peintre, je n’ai plus besoin que d’une voiture pour retourner chez moi. La portière ira m’en chercher une.

Il voulut réitérer ses remercîments aux deux inconnues ; mais, à chaque phrase, la vieille dame l’interrompait en disant : — Demain, monsieur, ayez bien soin de mettre des sangsues ou de vous faire saigner, buvez quelques tasses de vulnéraire, soignez-vous, les chutes sont dangereuses.

La jeune fille regardait à la dérobée le peintre et les tableaux de l’atelier. Sa contenance et ses regards révélaient une décence parfaite ;