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cendait à pas lents son perron, et s’en allait sous les arbres d’un air songeur, les mains dans les poches. Il marchait longtemps sur la mousse humide et molle, tandis qu’une légion de corbeaux, accourue de tous les voisinages pour coucher dans les grandes cimes, se déroulait à travers l’espace, à la façon d’un immense voile de deuil flottant au vent, en poussant des clameurs violentes et sinistres.

Quelquefois, ils se posaient, criblant de taches noires les branches emmêlées sur le ciel rouge, sur le ciel sanglant des crépuscules d’automne. Puis, tout à coup, ils repartaient en croassant affreusement et en déployant de nouveau au-dessus du bois le long feston sombre de leur vol.

Ils s’abattaient enfin sur les faîtes les plus hauts et cessaient peu à peu leurs rumeurs, tandis que la nuit grandissante mêlait leurs plumes noires au noir de l’espace.

Renardet errait encore au pied des arbres, lentement ; puis, quand les ténèbres opaques ne lui permettaient plus de marcher, il rentrait, tombait comme une masse dans son fauteuil, devant la cheminée claire, en tendant au foyer ses pieds humides qui fumaient longtemps contre la flamme.