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LA DOT.

trop effarée, trop affolée pour comprendre elle-même ce qui lui arrivait. Où allait-elle aller ? Qu’allait-elle faire ? Que lui était-il arrivé à lui ? D’où venaient une pareille erreur, un pareil oubli, une pareille méprise, une si incroyable distraction ?

Elle avait deux francs dans sa poche. À qui s’adresser ? Et, tout d’un coup, le souvenir lui vint de son cousin Barral, sous-chef de bureau à la Marine.

Elle possédait juste de quoi payer la course du fiacre ; elle se fit conduire chez lui. Et elle le rencontra comme il partait pour son ministère. Il portait, ainsi que Lebrument, un gros portefeuille sous le bras.

Elle s’élança de sa voiture.

— Henry ! cria-t-elle.

Il s’arrêta, stupéfait :

— Jeanne ?… ici ?… toute seule ?… Que faites-vous, d’où venez-vous ?

Elle balbutia, les yeux pleins de larmes.

— Mon mari s’est perdu tout à l’heure.

— Perdu, où ça ?

— Sur un omnibus.

— Sur un omnibus ?… Oh !…

Et elle lui conta en pleurant son aventure.

Il l’écoutait, réfléchissant. Il demanda :

— Ce matin, il avait la tête bien calme ?

— Oui.