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isolés, dans les petits vallons voisins. La femme, au contraire, errait sans cesse en quête d’aumônes, mais elle rejoignait tous les soirs.

Lui non plus n’allait jamais à l’église, et on ne l’avait jamais vu faire le signe de la croix devant les calvaires. Tout cela faisait beaucoup jaser.

Sa compagne, une nuit, fut prise de fièvre et se mit à trembler comme une toile qu’agite le vent. Il alla jusqu’au bourg chercher des médicaments, puis il s’enferma près d’elle, et pendant six jours on ne le vit plus.

Mais le curé, ayant entendu dire que la « Juive » allait trépasser, s’en vint apporter les consolations de sa religion à la mourante, et lui offrir les derniers sacrements. Était-elle juive ? Il ne le savait pas. Il voulait, en tout cas, essayer de sauver son âme.

À peine eut-il heurté la porte, que le père Judas parut sur le seuil, haletant, les yeux allumés, toute sa grande barbe agitée, comme de l’eau qui ruisselle, et il cria, dans une langue inconnue, des mots de blasphème en tendant ses bras maigres pour empêcher le prêtre d’entrer.

Le curé voulut parler, offrir sa bourse et ses soins, mais le vieux l’injuriait toujours, faisant avec les mains le geste de lui jeter des pierres.