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L’arrosoir, percé, coulait, et mes pieds recevaient plus d’eau que les fleurs. Le bas de mon pantalon, trempé, s’imprégnait de boue. Et, vingt fois de suite, je recommençai, je retrempai mes pieds, je ressuai en faisant geindre le volant de la pompe. Et quand je voulais m’arrêter, exténué, le père Boivin, suppliant, me tirait par le bras :

— Encore un arrosoir — un seul — et c’est fini.

Pour me remercier, il me fit don d’une rose, d’une grande rose ; mais à peine eut-elle touché ma boutonnière, qu’elle s’effeuilla complètement, me laissant, comme décoration, une petite poire verdâtre, dure comme de la pierre. Je fus étonné, mais je ne dis rien.

La voix éloignée de Mme Boivin se fit entendre :

— Viendrez-vous, à la fin ? Quand on vous dit que c’est prêt !

Nous allâmes vers la chaufferette.

Si le jardin se trouvait à l’ombre, la maison, par contre, se trouvait en plein soleil, et la seconde étuve du Hammam est moins chaude que la salle à manger de mon camarade.

Trois assiettes, flanquées de fourchettes en étain mal lavées, se collaient sur une table de bois jaune. Au milieu, un vase en terre con-