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il fallait que je la visse et que je la maniasse. Je tournais la clef de l’armoire avec ce frémissement qu’on a en ouvrant la porte de la bien-aimée, car j’avais aux mains et au cœur un besoin confus, singulier, continu, sensuel de tremper mes doigts dans ce ruisseau charmant de cheveux morts.

Puis, quand j’avais fini de la caresser, quand j’avais refermé le meuble, je la sentais là toujours, comme si elle eût été un être vivant, caché, prisonnier ; je la sentais et je la désirais encore ; j’avais de nouveau le besoin impérieux de la reprendre, de la palper, de m’énerver jusqu’au malaise par ce contact froid, glissant, irritant, affolant, délicieux.

Je vécus ainsi un mois ou deux, je ne sais plus. Elle m’obsédait, me hantait. J’étais heureux et torturé, comme dans une attente d’amour, comme après les aveux qui précèdent l’étreinte.

Je m’enfermais seul avec elle pour la sentir sur ma peau, pour enfoncer mes lèvres dedans, pour la baiser, la mordre. Je l’enroulais autour de mon visage, je la buvais, je noyais mes yeux dans son onde dorée afin de voir le jour blond, à travers.

Je l’aimais ! Oui, je l’aimais. Je ne pouvais plus me passer d’elle, ni rester une heure sans la revoir.