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d’humeur assez égale, mais volontaire ; et elle ne cédait jamais quand elle voulait bien une chose. Elle n’avait plus pour lui le charme sensuel des premiers temps, et bien qu’il eût toujours un désir éveillé, car elle était fraîche et jolie, il éprouvait par moments cette désillusion si proche de l’écœurement que donne bientôt la vie en commun de deux êtres. Les mille détails triviaux ou grotesques de l’existence, les toilettes négligées du matin, la robe de chambre en laine commune, vieille, usée, le peignoir fané, car on n’était pas riche, et aussi toutes les besognes nécessaires vues de trop près dans un ménage pauvre, lui dévernissaient le mariage, fanaient cette fleur de poésie qui séduit, de loin, les fiancés.

Tante Charlotte lui rendait aussi son intérieur désagréable, car elle n’en sortait plus ; elle se mêlait de tout, voulait gouverner tout, faisait des observations sur tout, et comme on avait une peur horrible de la blesser, on supportait tout avec résignation, mais aussi avec une exaspération grandissante et cachée.

Elle allait à travers l’appartement de son pas traînant de vieille ; et sa voix grêle disait sans cesse : « Vous devriez bien faire ceci ; vous devriez bien faire cela. »

Quand les deux époux se trouvaient en