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là, la pauvre et chaste fille, dans la posture la plus immodeste. La tête était affreuse, noire et déchirée ; et ses longs cheveux gris, tout à fait dénoués, déroulés pour toujours, pendaient, ruisselants et fangeux. Sapeur prononça d’un ton de mépris :

« Nom d’un nom, qu’all’ est maigre ! »

Nous la portâmes dans sa chambre, et comme les deux femmes ne reparaissaient point, je fis sa toilette mortuaire avec le valet d’écurie.

Je lavai sa triste face décomposée. Sous mon doigt un œil s’ouvrit un peu, qui me regarda de ce regard pâle, de ce regard froid, de ce regard terrible des cadavres, qui semble venir de derrière la vie. Je soignai comme je le pus ses cheveux répandus, et, de mes mains inhabiles, j’ajustai sur son front une coiffure nouvelle et singulière. Puis j’enlevai ses vêtements trempés d’eau, découvrant un peu, avec honte, comme si j’eusse commis une profanation, ses épaules et sa poitrine, et ses longs bras aussi minces que des branches.

Puis, j’allai chercher des fleurs, des coquelicots, des bluets, des marguerites et de l’herbe fraîche et parfumée, dont je couvris sa couche funèbre.

Puis il me fallut remplir les formalités d’usage, étant seul auprès d’elle. Une lettre