Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, X.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fermer le poulailler de l’autre côté de l’enclos. Je m’élançai, courant à pas si légers qu’elle n’entendit rien, et comme elle se relevait, après avoir baissé la petite trappe par où entrent et sortent les poules, je la saisis à pleins bras, jetant sur sa figure large et grasse une grêle de caresses. Elle se débattait, riant tout de même, accoutumée à cela.

Pourquoi l’ai-je lâchée vivement ? Pourquoi me suis-je retourné d’une secousse ? Comment ai-je senti quelqu’un derrière moi ?

C’était Miss Harriet qui rentrait, et qui nous avait vus, et qui restait immobile comme en face d’un spectre. Puis elle disparut dans la nuit.

Je revins honteux, troublé, plus désespéré d’avoir été surpris ainsi par elle que si elle m’avait trouvé commettant quelque acte criminel.

Je dormis mal, énervé à l’excès, hanté de pensées tristes. Il me sembla entendre pleurer. Je me trompais sans doute. Plusieurs fois aussi je crus qu’on marchait dans la maison et qu’on ouvrait la porte du dehors.

Vers le matin la fatigue m’accablant, le sommeil enfin me saisit. Je m’éveillai tard et ne me montrai que pour déjeuner, confus encore, ne sachant quelle contenance garder.