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finauderie de Normand, de faire ce dont on l’accusait, et même de s’en vanter comme d’un bon tour. Son innocence lui apparaissait confusément comme impossible à prouver, sa malice étant connue. Et il se sentait frappé au cœur par l’injustice du soupçon.

Alors il recommença à conter l’aventure, en allongeant chaque jour son récit, ajoutant chaque fois des raisons nouvelles, des protestations plus énergiques, des serments plus solennels qu’il imaginait, qu’il préparait dans ses heures de solitude, l’esprit uniquement occupé par l’histoire de la ficelle. On le croyait d’autant moins que sa défense était plus compliquée et son argumentation plus subtile.

— Ça, c’est des raisons d’menteux, disait-on derrière son dos.

Il le sentait, se rongeait les sangs, s’épuisait en efforts inutiles.

Il dépérissait à vue d’œil.

Les plaisants maintenant lui faisaient conter « la Ficelle » pour s’amuser, comme on fait conter sa bataille au soldat qui a fait campagne. Son esprit, atteint à fond, s’affaiblissait.

Vers la fin de décembre, il s’alita.

Il mourut dans les premiers jours de janvier et, dans le délire de l’agonie, il attestait son innocence, répétant :