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encore que le matin, car les premiers pas après chaque repos étaient particulièrement difficiles, il se mit en route en répétant :

— Me v’là, me v’là

Et il suivit le brigadier.

Le maire l’attendait, assis dans un fauteuil. C’était le notaire de l’endroit, homme gros, grave, à phrases pompeuses.

— Maître Hauchecorne, dit-il, on vous a vu ce matin ramasser, sur la route de Beuzeville, le portefeuille perdu par maître Houlbrèque, de Manerville.

Le campagnard, interdit, regardait le maire, apeuré déjà par ce soupçon qui pesait sur lui, sans qu’il comprît pourquoi.

— Mé, mé, j’ai ramassé çu portafeuille ?

— Oui, vous-même.

— Parole d’honneur, j’ n’en ai seulement point eu connaissance.

— On vous a vu.

— On m’a vu, mé ? Qui ça qui m’a vu ?

— M. Malandain, le bourrelier.

Alors le vieux se rappela, comprit et, rougissant de colère.

— Ah ! i m’a vu, çu manant ! I m’a vu ramasser ct’e ficelle-là, tenez, m’sieu le maire.

Et fouillant au fond de sa poche, il en retira le petit bout de corde.

Mais le maire, incrédule, remuait la tête.