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mille prêtres une mesure telle que la suppression de leur traitement par l’État, vous raisonnez, je crois, dans l’hypothèse où elle serait prise violemment et non dans un esprit de charité. Dans ma pensée, elle implique l’indépendance absolue du clergé ; et, en outre, en la décrétant, on devrait tenir compte du traité intervenu en 89, et que vous rappelez.

Il me faudrait un volume pour développer ma thèse ; mais après avoir aussi franchement exprimé ma manière de voir et réservé toute mon indépendance comme législateur et comme publiciste, j’espère que vous ne révoquerez pas en doute la sincérité de ce qu’il me reste à vous dire.

Je crois que la réforme dont je vous entretiens doit être et sera, pendant bien des années encore, peut-être pendant bien des générations, matière à discussion plutôt que matière à législation. La prochaine Assemblée nationale aura simplement pour mission de concilier les esprits, de rassurer les consciences ; et je ne pense pas qu’elle veuille soulever, et encore moins résoudre, dans un sens contraire à l’opinion des masses, la question que vous me soumettez.

Considérez, en effet, qu’alors même que mon opinion serait la vérité, elle n’est professée que par un bien petit nombre d’hommes ; si elle triomphait maintenant dans l’enceinte législative, ce ne pourrait être sans alarmer et jeter dans l’opposition la presque totalité de la nation. C’est donc, pour ceux qui pensent comme moi, une croyance à défendre et propager, non une mesure de réalisation immédiate.

Je diffère de bien d’autres en ceci que je ne me crois pas infaillible ; je suis tellement frappé de l’infirmité native de la raison individuelle que je ne cherche ni ne chercherai jamais à imposer mes systèmes. Je les expose, les développe, et, pour la réalisation, j’attends que la raison publique se prononce. S’ils sont justes, ce temps arrivera certainement ; s’ils sont erronés, ils mourront avant moi. J’ai