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Le second, inauguré par Luther, mène à l’oppression par l’anarchie.

Le troisième, annoncé par les penseurs de la Montagne, enfante la vraie liberté, en enveloppant les hommes dans les liens d’une harmonieuse association.

Le peuple n’ayant été le maître que dans un pays, la France, et dans une courte période, celle de 93, nous ne connaissons encore la valeur théorique et les charmes pratiques de la fraternité que par l’essai qui en fut fait tumultueusement à cette époque. Malheureusement l’union et l’amour, personnifiés dans Robespierre, ne purent étouffer qu’à demi l’Individualisme, qui reparut le lendemain du 9 thermidor. Il règne encore.

Qu’est-ce donc que l’Individualisme ? L’auteur de l’ouvrage auquel nous faisons allusion le définit ainsi :

« Le principe d’individualisme est celui qui, prenant l’homme en dehors de la société, le rend seul juge de ce qui l’entoure et de lui-même, lui donne un sentiment exalté de ses droits sans lui indiquer ses devoirs, l’abandonne à ses propres forces, et, pour tout gouvernement, proclame le laisser-faire[1]. »

Ce n’est pas tout. L’Individualisme, ce mobile de la bourgeoisie, devait envahir les trois grandes branches de l’activité humaine, la religion, la politique et l’industrie. De là trois grandes écoles individualistes : l’école philosophique, dont Voltaire fut le chef, en demandant la liberté de penser, nous a amenés à une profonde anarchie morale ; l’école politique, fondée par Montesquieu, au lieu de la liberté politique, nous a valu une oligarchie de censitaires ; et l’école économiste, représentée par Turgot, au lieu de la liberté de l’industrie, nous a légué la concurrence du riche et du pauvre, au profit du riche[2].

  1. Histoire de la Révolution française, par Louis Blanc, t. Ier, p. 9.
  2. Louis Blanc, Histoire de la Révolution, t. Ier, p. 360.