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cela encore qu’il possède dans toute sa plénitude le droit de défendre sa cause par la presse, la parole et l’association, le peuple ne pouvait manquer d’attirer, et il a en effet attiré sous son drapeau les hommes les plus intelligents et les plus honnêtes de l’aristocratie. Car il ne faut pas croire que l’aristocratie anglaise forme un ensemble compacte et déterminé. Nous la voyons, au contraire, se partager dans toutes les grandes circonstances ; et, soit frayeur, habileté, ou philanthropie, ce sont d’illustres privilégiés qui viennent sacrifier aux exigences démocratiques une partie de leurs propres priviléges.

Si l’on veut appeler anglomanes ceux qui prennent intérêt aux péripéties de cette grande lutte et aux progrès de la cause populaire sur le sol britannique, je le déclare, je suis anglomane.

Il me semble qu’il n’y a qu’une vérité, qu’il n’y a qu’une justice, que l’égalité prend partout la même forme, que la liberté a partout les mêmes résultats, et qu’un lien fraternel et sympathique doit unir les faibles et les opprimés de tous les pays.

Je ne puis pas ne pas voir qu’il y a deux Angleterre ; puisqu’il y a, en Angleterre, deux sentiments, deux principes, deux causes éternellement en lutte[1].

Je ne puis pas oublier que si le principe aristocratique voulut, en 1776, courber sous son joug l’indépendance américaine, il trouva dans quelques démocrates anglais une résistance telle, qu’il lui fallut suspendre la liberté de la presse, l’habeas corpus, et fausser le jury.

Je ne puis pas oublier que si le principe aristocratique voulut, en 1791, étouffer notre glorieuse révolution, il lui fallut commencer par lancer chez lui sa soldatesque sur les hom-

  1. Voir l’article intitulé Deux Angleterre, t. III, p. 459. (Note de l’éditeur.)