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de France et Calcutta ? que nous avons perdu Saint-Domingue ? N’envahissons-nous pas en ce moment le nord de l’Afrique ? Dans ce sens, chaque peuple fait tout ce qu’il peut, voilà la vérité ; s’il obéit à la pensée du régime restrictif, il est conquérant par nature, et s’il s’arrête, sa prétendue modération est de l’impuissance, pas autre chose.

Ainsi, Messieurs, vous voyez que le régime prohibitif, ce régime fondé sur la doctrine de la balance du commerce, ce régime qui voit le bien dans l’excédant des exportations, mène logiquement à l’abus de la force, à la violence, à l’usurpation, et à tout le machiavélisme diplomatique, qui est la ruse des nations mise au service de leur injustice. Prépondérance, prépotence, suprématie, voilà les grands mots sous lesquels chacun cache sa perversité ; et ce qu’il faut bien observer, c’est que si ce système est vrai, l’esprit de haine, de jalousie, d’antagonisme et de domination est indestructible, puisqu’il a sa racine dans la vérité même.

Mais que la doctrine opposée vienne à triompher dans les esprits, que chaque peuple, se considérant comme un être collectif, adopte le raisonnement de l’individu et se dise : Mon avantage est dans la quantité de ce que je reçois, et non dans la quantité de ce que je donne, en d’autres termes, mon avantage est d’acheter à bon marché et de vendre cher, en d’autres termes encore, mon avantage est de laisser faire mes négociants et d’affranchir les échanges ; à l’instant les conséquences changent du tout au tout, comme le principe change du tout au tout. À l’instant ce qui était considéré comme un mal, à savoir l’importation, est regardé comme un bien, et le payement que l’on prenait pour le beau côté n’est plus vu que comme le côté désavantageux de l’échange. L’effort de chaque peuple se fait en sens inverse, et au lieu de lutter pour imposer ses produits, il n’a plus d’autre émulation que celle d’ouvrir au plus tôt ses ports et ses frontières aux produits des autres peuples. — Et cela,