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tions des transactions humaines, ces simples vérités ont été méconnues ; et, pour me justifier auprès du lecteur de le retenir si longtemps sur ce que les Anglais appellent des truismes, je lui signalerai ici le singulier égarement auquel d’excellents esprits se sont laissé entraîner. Mettant de côté, négligeant entièrement la coopération de la nature, relativement à la satisfaction de nos besoins, ils ont posé ce principe absolu : Toute richesse vient du travail. Sur cette prémisse ils ont bâti le syllogisme suivant :

« Toute richesse vient du travail ;

Donc la richesse est proportionnelle au travail.

Or le travail est en raison inverse de la libéralité de la nature ;

Donc la richesse est en raison inverse de la libéralité de la nature ! »

Et, qu’on le veuille ou non, beaucoup de nos lois économiques ont été inspirées par ce singulier raisonnement. Ces lois ne peuvent qu’être funestes au développement et à la distribution des richesses. C’est là ce qui me justifie de préparer d’avance, par l’exposition de vérités fort triviales en apparence, la réfutation d’erreurs et de préjugés déplorables, sous lesquels se débat la société actuelle.

Décomposons maintenant ce concours de la nature.

Elle met deux choses à notre disposition : des matériaux et des forces.

La plupart des objets matériels qui servent à la satisfaction de nos besoins et de nos désirs ne sont amenés à l’état d’utilité qui les rend propres à notre usage que par l’intermédiaire du travail, par l’application des facultés humaines. Mais, en tout cas, les éléments, les atomes, si l’on veut, dont ces objets sont composés, sont des dons, et j’ajoute, des dons gratuits de la nature. Cette observation est de la plus haute importance, et jettera, je crois, un jour nouveau sur la théorie de la richesse.