Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en face des faits, ce serait pousser jusqu’à la folie la manie du système. Pour que l’harmonie fût sans dissonance, il faudrait ou que l’homme n’eût pas de libre arbitre, ou qu’il fût infaillible. Nous disons seulement ceci : les grandes tendances sociales sont harmoniques, en ce que, toute erreur menant à une déception et tout vice à un châtiment, les dissonances tendent incessamment à disparaître.

Une première et vague notion de la propriété se déduit de ces prémisses. Puisque c’est l’individu qui éprouve la sensation, le désir, le besoin, puisque c’est lui qui fait l’Effort, il faut bien que la satisfaction aboutisse à lui, sans quoi l’effort n’aurait pas sa raison d’être.

Il en est de même de l’Hérédité. Aucune théorie, aucune déclamation ne fera que les pères n’aiment leurs enfants. Les gens qui se plaisent à arranger des sociétés imaginaires peuvent trouver cela fort déplacé, mais c’est ainsi. Un père fait autant d’Efforts, plus peut-être, pour la satisfaction de ses enfants, que pour la sienne propre. Si donc une loi contre nature interdisait la transmission de la propriété, non-seulement elle la violerait par cela même, mais encore elle l’empêcherait de se former, en frappant d’inertie la moitié au moins des Efforts humains.

Intérêt personnel, Propriété, Hérédité, nous aurons occasion de revenir sur ces sujets. Cherchons d’abord la circonscription de la science qui nous occupe.

Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’une science a, par elle-même, des frontières naturelles et immuables. Dans le domaine des idées, comme dans celui des faits, tout se lie, tout s’enchaîne, toutes les vérités se fondent les unes dans les autres, et il n’y a pas de science qui, pour être complète, ne dût les embrasser toutes. On a dit avec raison que, pour une intelligence infinie, il n’y aurait qu’une seule vérité. C’est donc notre faiblesse qui nous réduit à étudier isolément un certain ordre de phénomènes, et les classifications