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Ensuite, ceux qui sont aujourd’hui laborieux, et Dieu merci le nombre en est grand, ne seraient pas moins que les paresseux soumis à cette inquisition insupportable. C’est un inconvénient immense de soumettre cent innocents à des mesures dégradantes pour punir un coupable que la nature se charge de punir.

Et puis, quand commence la paresse ? Dans chaque cas soumis à la justice, il faudra une enquête des plus minutieuses et des plus délicates. Le prévenu était-il réellement oisif, ou bien prenait-il un repos nécessaire ? Était-il malade, en méditation, en prière, etc. ? Comment apprécier toutes ces nuances ? Avait-il forcé son travail du matin pour se ménager un peu de loisir le soir ? Que de témoins, que d’experts, que de juges, que de gendarmes, que de résistances, que de délations, que de haines !…

Vient le chapitre des erreurs judiciaires. Que de paresseux échapperont ! et, en compensation, que de gens laborieux iront racheter en prison, par une inactivité d’un mois, leur inactivité d’un jour !

Ce que voyant, et bien d’autres choses, on s’est dit : Laissons faire la Responsabilité naturelle. Et on a bien fait.

Les socialistes, qui ne reculent jamais devant le despotisme pour arriver à leurs fins, — car ils ont proclamé la souveraineté du but, — ont flétri la Responsabilité sous le nom d’individualisme ; puis ils ont essayé de l’anéantir et de l’absorber dans la sphère d’action de la Solidarité étendue au delà de ses limites naturelles.

Les conséquences de cette perversion des deux grands mobiles de la perfectibilité humaine sont fatales. Il n’y a plus de dignité, plus de liberté pour l’homme. Car du moment que celui qui agit ne répond plus personnellement des suites bonnes ou mauvaises de son acte, son droit d’agir isolément n’existe plus. Si chaque mouvement de l’individu va répercuter la série de ses effets sur la société tout en-